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Onfray (Michel)

Onfray (Michel)
Onfray (Michel)

Michel ONFRAY

Né le 1er janvier 1959, docteur en philosophie a enseigné dans les classes terminales d’un lycée technique de Caen de 1983 à 2002 avant de créer une Université Populaire à Caen en octobre 2002, puis une Université Populaire du goût à Argentan en 2006. Natif d’Argentan, dans l’Orne, où il est domicilié.

Le ventre des philosophes - Critique de la raison diététique

Dans ce livre Michel Onfray se penche à l'appui de nombreuses références historiques sur les habitudes alimentaires des "Grands Hommes" qui ont balisé le chemin sans cesse contourné, remanié et controversé qu'est la Philosophie dasn son caractère aussi universel que disparate.

Les lignes qui suivent sont des extraits choisis ou des "anecdotes" rapportées à la lecture du livre.

Michel Onfray a aussi commis parmi ses nombreux ouvrages l'extraordinaire "La raison Gourmande"; ces deux livres sont édités en format poche.

DIOGENE OU LE GOUT DU POULPE ..

Dans ce premier chapitre Michel Onfray qui ne cache aucunement son admiration pour les cyniques (du mot chien) ne pouvait pas échapper à l'apologie de Diogène

Hegel a tort d'écrire de Diogène qu'il n'y a que des anecdotes à raconter à son sujet" et des cyniques qu'ils ne sont dignes d'aucune considération philosophique". La saillie, le trait d'esprit signifient toujours plus que l'apparente évidence. Le philosophe cynique est porteur d'une intraitable volonté de dire Non, de débusquer le conformisme à travers les habitudes. Le cynique est la figure emblématique de l'authentique philosophe défini comme "La mauvaise conscience de (son) temps"
(...) Nos âges d'intraitables mélancolie sacrifient à toutes les illusions possibles. L'esthétique cynique de Diogène est contrepoison à cette dérive obscurantiste, volonté de lucidité.(...)

A un interlocuteur qui lui disait que "vivre est un mal", Diogène répondait:" Non, mais mal vivre..."

Le philosophe au tonneau, bien que l'amphore fût plus pertinente, le tonneau est une invention gauloise- va faire un usage pédagogique des aliments. La clé de voûte de l'édifice théorique cynique est l'affirmation de la supériorité absolue de l'ordre naturel sur tout autre. La civilisation est un auxiliaire de perversion: elle filtre l'innocence positive et cristallise la corruption sur le réel, transformé en objet hideux autour duquel gravitent interdits, scandales et complexes. L'artifice est à bannir. Le projet de Diogène est "le retour à une sauvagerie première" et la nutrition est marquée par cette volonté:"Sur le plan théorique et dans leur pratique quotidienne, les cyniques développent une véritable mise en question, non plus seulement de la cité, mais de la société et de la civilisation. Leur protestation est une critique générale de l'état civilisé. Critique qui surgit au IVéme siècle avec la crise de la cité et dont un des thèmes majeurs est le retour à l'état sauvage. (...

Au cuit consensuel de l'institution nutritive, Diogène oppose le nihilisme alimentaire le plus échevelé marqué en priorité par le refus du feu, de Prométhée comme symbole de la civilisation. Le premier principe de la diététique cynique est le cru. L'ensauvagement du cynique- l'expression est de Plutarque- suppose l'omophagie comme déconstruction su système de valeurs sur lequel repose la civilisation. "Qu'est ce en effet que l'omophagie, écrit Marcel Détienne,(...) sinon une manière de refuser la condition humaine, définie par le sacrifice prométhéen et imposée par des règles de savoir-vivre qui prescrivent l'usage de la broche et du chaudron ?" Il s'agit pour les omophages de se "conduire comme des bêtes(...) afin d'échapper par le bas, du côté de la bestialité"

Diogène ira jusqu'aux transgressions les plus sacrilèges: là où les autres consomment cuit, il veut le sang, la viande gorgée.(...)Le goût Diogènien pour le sang n'exclut pas un végétarisme pratique. Diogène Laërce rapporte l'essai du philosophe en matière de viande humaine. On ne sait s'il réussit à dépasser ses répugnances à cet égard. Toujours est-il que l'expérience, si elle eût lieu, ne fut pas transformée en habitude. Plutôt un happening en cité grecque. La somme d'anecdotes transmises sur Diogène le montre plus fanatique d'olives et de baies sauvages que de gigots humains .
L'éloge cynique de la vie simple s’accommode avec moins d'ennuis de la frugalité facile sous le soleil hellène. Diogène est plusieurs fois campé en paisible cueilleur de figues, de fruits et de racines. Il boit aux fontaines l'eau fraîche des sources, et a commissure de ses lèvres fut plus souvent reluisante d'eau et limpide que d’hémoglobine provocante.
L’approvisionnement de Diogène en matière de nourriture est simple: la nature fournit assez de produits pour qu'on puisse se contenter de cueillette. Il nie de la sorte l'évolution qui conduit à l'improvisation, à la planification, de l'errance et du nomadisme des pâtres à la sédentarité des éleveurs (...) la vie heureuse sur terre est possible par l'économie de l'inutile et du luxe.

Aucune existence n'accède à la beauté sans une mort à la hauteur. Celle de Diogène n'est pas sans rapport avec la nourriture. Les traditions prêtent au philosophe plusieurs façons de prendre congé du monde. L'une prétend qu'il en aurait fini avec la vie en retenant volontairement sa respiration. Ou: de la maîtrise. L'autre qu'il aurait été victime d'un chien mécontent de se voir disputer un poulpe cru. Ou: de l'ironie du combat des "chiens" . La dernière suppose qu'il aurait eu une indigestion après ingestion de son butin. Ou: de la punition des règles alimentaires transgressées. A moins qu'il ne s'agisse d'une façon de rendre conséquentes les pratiques cyniques du maître. Plutarque rapporte ainsi les faits:" Diogène osa manger un poulpe cru afin de rejeter la préparation des viandes par la cuisson au feu. Alors que beaucoup d'hommes l'entouraient, il s'enveloppa de son manteau et, portant la viande à sa bouche, il dit " C'est pour vous que je risque ma vie; que je cours ce danger"
Peu avant de mourir, il avait demandé qu'après son trépas, on le jette dehors, sans sépulture, en proie aux bêtes sauvages, ou qu'on le culbute dans quelque fossé en le recouvrant d'un peu de poussière.

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Un article ajouté le 29/02/16  - Mis à jour le 16/12/23 .

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