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Anthropologie des mangeurs de pain

Anthropologie des mangeurs de pain
Anthropologie des mangeurs de pain

Auteurs

Spécialiste des identités culturelles, Abdu Gnaba, 38 ans, anthropologue, est le fondateur de la société d'études internationales SOCIOLAB, qui met les sciences sociales au service de l'entreprise. Il est l'auteur de La mémoire réinventée, parue chez L'Harmattan en 2009.

Synopsis et extraits

A l'image de toute relation intime, le rapport que les français entretiennent avec le pain recèle une part de mystère. Malgré le bouleversement actuel des habitudes alimentaires, le pain fait toujours partie de leur vie, et c'est ce qui en fait un objet éminemment culturel.
Que l'on songe au moment particulier où, au sortir de la boulangerie ou en chemin vers la maison, chacun rompt un morceau de pain qu'il vient d'acheter, tout frais et souvent encore chaud, puis le mange avec délectation. Il s'agit là sans doute de la pratique la plus commune à tous les mangeurs de pain, quels que soient leur âge, la région où ils vivent, leurs habitudes alimentaires. Que l'on considère le pain comme une nourriture de base ou de plaisir, que l'on soit individualiste ou généreux, et quel que soit notre profil de mangeur de pain, à cet instant précis nous sommes tous identiques, au double sens du terme : parfaitement semblables et inscrits dans la même identité. C'est par cet acte simple, intime et spontané que se noue l'histoire qui nous lie au pain, une histoire que l'on aime à raconter, à partager, parce qu'elle nous rassemble. Le pain, un aliment narratif, symbolique et identitaire...
Questionner le pain, c'est questionner le rapport à l'identité et à la tradition. Qu'est ce que l'identité ? C'est un rapport, une relation de soi aux autres. Et le pain, parce qu'il est un foyer de sens et un tisseur de liens entre les individus, demeure intrinsèquement un aliment identitaire. Quant à la tradition, c'est essentiellement un principe dynamique. Très éloignée de la définition communément admise, la tradition n'est pas une répétition du passé, mais un dialogue ouvert entre les acquis d'hier et les attentes du jour. D'un point de vue anthropologique, la tradition est une réinvention permanente.

Extrait :

Au-delà de la connaissance et du langage.
Une assiette qui se mange

Les français déclarent ne pas réellement connaître les éléments qui entrent dans la composition du pain. Pour autant, ils semblent n'être guère intéressés par le fait d'en apprendre davantage. Par ailleurs, lorsqu'il leur est demandé d'énumérer les étapes nécessaires à la fabrication du pain, les consommateurs commencent invariablement par évoquer le travail du boulanger. A leurs yeux, il n'y a pas d'antériorité au pétrissage de la farine. Le travail de l'agriculteur et celui du meunier ne sont que très rarement abordés. Interrogés sur ce sujet dans un second temps, nos informateurs reconnaissent sans aucune réticence ne jamais prendre en compte l'existence de ces deux corps de métier, et ne guère se soucier des diverses opérations qui, avant le travail du boulanger, contribuent à le faire exister.

Pour commencer, le boulanger prend de la farine, il fait du pain, il le met en rayon, nous l'achetons et on le mange. (Eric)
Le meunier ? Celui qui fait la farine ? Je crois que ça n'existe plus ! (Stéphanie)

A cette méconnaissance s'ajoute une réelle incapacité à décrire le goût du pain. Cet aliment est globalement perçu comme un produit brut dont le goût est plutôt difficile, pour ne pas dire impossible, à définir. Cette impuissance à qualifier le goût du pain révèle en fait la dimension infraconsciente de l'attachement qui nous lie à lui.
Le sentiment d'être en présence d'un produit brut ne signifie nullement qu'il s'agit d'un mauvais produit ou d'un sous-produit. Bien au contraire, les personnes interrogées s'en satisfont pleinement et précisent ne pas attendre autre chose du pain. Car ce qui plait dans le pain, c'est essentiellement la simplicité de sa nature, que l'on peut indéfiniment se réapproprier. Le pain apparaît comme une sorte de pâte de base à partir de laquelle il devient possible de personnaliser sa consommation.

Notre avis

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Un article de Chef Simon ajouté le 29/02/16  - Mis à jour le 03/03/23.

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