édition du Seuil - Collection Univers Historique
Madeleine FERRIèRES. Spécialiste de l'histoire de l'alimentation, elle est l'auteur de l'Histoire des peurs alimentaires. Elle est professeur d'histoire moderne et chercheur à la Maison méditerranéenne des sciences de l'homme, à Aix-en-Provence.
Qui peut croire que le menu traditionnel d'une brasserie (lapin en gibelotte, tripes, gratin dauphinois, etc.) remonte à la Renaissance, où il constituait alors le quotidien des pauvres ? Ce que l'on considère comme la bonne cuisine bourgeoise est en réalité, à ses origines, la cuisine du pauvre. Les goûts changent : de populaires, certains plats deviennent raffinés, tandis que d'autres disparaissent des cartes et des cuisines. D'autres encore, telle la poule au pot, entrent dans la légende. Madeleine Ferrières propose ici, à partir de sources culinaires inédites, une généalogie des racines de la cuisine française. Elle restitue une culture de table pour partie oubliée et bien souvent négligée. De recette en recette, on suit ainsi les évolutions de la table du pauvre, bien plus riche et plus festive qu'on l'imagine trop souvent. Au-delà d'une simple histoire des habitudes alimentaires, c'est une analyse - toute de saveurs et d'odeurs - de notre cuisine nationale qui est menée. Une invitation à repenser et à revisiter notre patrimoine culinaire.
Extrait (oeufs des riches, oeufs des pauvres) :
On affirme qu'il existe en France cinq cent quarante trois manières d'accommoder les oeufs (Aulagnier, Dictionnaire des substances alimentaires). A vrai dire, nos sources sont moins généreuses, mais elles suggèrent toutes sortes d'apprêts.
En dehors de l'oeuf à la coque, réservé aux malades (provisoirement), on sait qu'on les préfère d'abord pochés, "à demi cuits", ensuite cuits sur la braise, c'est à dire à la poêle. Les oeufs endurcis sont moins considérés : ils sont de grosse nourriture, difficiles à digérer (Belon, Histoire de la nature des oyseaux).
On divise toutes ces préparations en deux catégories, selon qu'ils sont cuits avec ou sans l'écaille.
Avec : on les fait bouillir dans l'eau ou on les cuit sous la cendre, entre deux plats. Sans : on les fait pocher dans l'eau, cuire au miroir ou fricasser dans la poêle (Guibert, L'Apothicaire).
On est là dans l'énumération théorique. En pratique, les façons de faire s'ordonnent en fonction des préférences gustatives, elles même socialement distinguées. Quand Menon, l'auteur de la Cuisinière Bourgeoise, affirme à propos de l'oeuf que "c'est un aliment excellent que le sain et le malade, le pauvre et le riche partagent ensemble", il faut comprendre que le partage ne signifie pas l'égalité. Ceux qui ont les moyens de se procurer des oeufs très frais les préfèrent tendres, mous, mollets, et la cuisson, la demi-cuisson ou le pochage à l'eau leur conviennent. Fricasser leur paraît la pire des préparations : "elle charge l'estomac, fait roter, donne un mauvais sang, envoie à la bouche et au cerveau quantité d'exhalaisons puantes".
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