Poète et fabuliste français Repères biographiques Jean de la Fontaine est né à Chateau-Thierry en 1621. De bourgeoisie provinciale, après une jeunesse insouciante, il connait grâce à sa charge de maître des Eaux et Forêts, des loisirs occupés à fréquenter les salons ou à lire les Anciens, qu'il prendra pour modèles. Son poème héroïque, inspiré d'Ovide, Adonis (1658), lui ayant assuré la protection de N. Fouquet, il partage la vie brillante de Vaux, jusqu'à la chute du surintendant. Accueilli dès lors par la duchesse d'Orléans (1664-1672), il connaît un éclatant succès avec ses Contes et Nouvelles (1665), récits gracieux, sur des sujets empruntés à Boccace et à l'Arioste. Dès 1668 paraissent ses six premiers livres de Fables, que La Fontaine augmentera sous la protection des Madame de la Sablière (1673-1693), puis de Monsieur et Madame d'Hervart (1693-1695), des deuxième (1678) et troisième (1694) recueils, attendus par un public fervent. Mais La Fontaine est également un poète, épris de perfection et fort habile, inspiré d'Esope et de Phèdre. Il meurt à Paris en 1695.
Quelques extraits...
Le cygne et le cuisinier
Les membres et l'estomac
Le glouton
Le Cygne et le Cuisinier
Dans une ménagerie
De volatiles remplie
Vivaient le Cygne et l'Oison:
Celui là destiné pour les regards du Maître;
Celui-ci, pour son goût: l'un qui se piquait
Commensal du jardin: l'autre de la maison.
Des fossés du château faisant leurs galeries,
Tantôt on les eût vus côte à côte nager,
Tantôt courir sur l'onde, et tantôt se plonger,
Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies.
Un jour le cuisinier, ayant trop bu d'un coup,
Prit pour oison le cygne; et le tenait au cou,
Il allait l'égorger, puis le mettre en potage.
L'oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage.
Le cuisinier fut fort surpris,
Et vit bien qu'il s'était mépris.
" Quoi! je mettrais, dit-il, un tel chanteur en soupe!
Non, non, ne plaise aux dieux que jamais ma main coupe
La gorge à qui s'en sert si bien!"
Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe
Le doux parler ne nuit de rien.
Les membres et l'estomac
Je devais par la royauté
Avoir commencé mon ouvrage:
A la voir d'un certain côté,
Messer Gaster en est l'image;
S'il a quelque besoin,
tout le corps s'en ressent.
De travailler pour lui les membres se lassant,
Chacun d'eux résolut de vivre en gentilhomme,
Sans rien faire, alléguant l'exemple de Gaster.
"Il faudrait, disaient-ils, sans nous qu'il vécût d'air.
Nous suons, nous peinons, comme bêtes de somme;
Et pour qui? Pour lui seul, nous n'en profitons pas;
Notre soin n'aboutit qu'à fournir ses repas.
Chômons, c'est un métier qu'il veut nous faire apprendre.
" Ainsi dit, ainsi fait. Les mains cessent de prendre,
Les bras d'agir, les jambes de marcher:
Tous dirent à Gaster qu'il s'en allât chercher.
Ce leur fut une erreur dont ils se repentirent:
Bientôt les pauvres gens tombèrent en langueur
Il ne se forma plus de nouveau sang au coeur;
Chaque membre en souffrit; les forces se perdirent.
Par ce moyen, les mutins virent
Que celui qu'ils croyaient oisif et paresseux,
A l'intérêt commun contribuait plus qu'eux.
Ceci peut s'appliquer à la grandeur royale.
Elle reçoit et donne, et la chose est égale.
Tout travaille pour elle, et réciproquement
Tout tire d'elle l'aliment.
Elle fait subsister l'artisan de ses peines;
Enrichit le marchand, gage le magistrat,
Maintient le laboureur, donne paie au soldat,
Distribue en cent lieues ses grâces souveraines,
Entretient seul tout l' Etat. Ménénius le sut bien dire.
La commune s'allait séparer du Sénat.
Les mécontents disaient qu'il avait tout l'empire,
Le pouvoir, les trésors, l'honneur, la dignité;
Au lieu que tout le mal était de leur côté,
Les tributs, les impôts, les fatigues de guerre.
Le peuple hors des murs était déjà posté,
La plupart s'en allaient chercher une autre terre,
Quand Ménénius leur fit voir
Qu'ils étaient aux membres semblables,
Et par cet apologue, insigne entre les fables, Les ramena dans leur devoir.
Le glouton
A son souper un glouton
Commande que l'on apprête
Pour lui un seul esturgeon
Sans en laisser que la tête,
Il soupe ; il crève.
On y court,
On lui donne maints clystères,
On lui dit pour faire court
Qu'il mette ordre a ses affaires.
"Mes amis, dit le goulu, m'y voilà tout résolu.
Et puisqu'il faut que je meure,
Sans faire tant de façon,
Qu'on m'apporte tout à l'heure,
Le reste de mon poisson ".
Où l'on s'aperçoit que le travail du cuisinier n'est pas tous les jours drôle.
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